«Promouvoir la place économique», voici une idée qui sonne bien. Toutefois, ce que la Confédération entend par là pourrait surprendre. En effet, elle ne met pas l’accent principalement sur l’amélioration des conditions-cadres afin de rendre la Suisse plus compétitive. Au contraire, une grande partie des fonds destinés à la promotion profite au tourisme et au développement régional. De 2024 à 2027, le Parlement a alloué un total de 429 millions de francs au tourisme, ce qui correspond à une augmentation de 15 % par rapport à l’enveloppe de la législature précédente. On peut se demander, et pas seulement au vu du déséquilibre des finances fédérales : ce soutien est-il pertinent ?

Profiter aux dépens du contribuable

La politique du tourisme de la Confédération, qui a coûté 110 millions de francs, suscite des doutes quant à l’efficience et l’efficacité des subventions.[1] Les subventions accordées à l’organisation de marketing Suisse Tourisme méritent d’être remises en question. A l’origine, cette organisation a été créée pour soutenir le tourisme en difficulté après la Première Guerre mondiale, comme l’ont fait ses concurrents autrichiens et français. Ce «financement initial» est devenu récurrent. Aujourd’hui encore, le budget de Suisse Tourisme est majoritairement financé par la Confédération. La contribution annuelle s’élève actuellement à 58 millions de francs.[2]

Là où la Confédération n’aurait pas à intervenir. (Ernie Ernst, Avenir Suisse, IA)

Certes, lorsque quelqu’un fait de la publicité pour des sites touristiques en Suisse, ceux qui ne participent pas à l’action publicitaire en profitent également. Le profit est donc intéressant. Toutefois, la promotion de la destination suisse est tout au plus un bien public pour l’ensemble de la branche. Si l’association du secteur réussit à promouvoir la Suisse en tant que destination touristique dans le cadre d’une campagne à l’étranger, les acteurs du secteur touristique en bénéficient. On observe donc des arguments qui vont contre le financement de telles campagnes par des fonds publics généraux, d’autant plus que certains lieux très promus se plaignent d’un surtourisme. Si l’on veut faire de la publicité générale, le secteur devrait s’en charger lui-même par le biais de ses associations.

Effets d’aubaine considérables

Des sommes importantes sont allouées à deux autres piliers de la promotion de notre pays : Innotour et la Nouvelle politique régionale (NPR). La première était initialement conçue comme un programme d’innovation de cinq ans et devait aider à surmonter la crise du tourisme à la fin des années 1990. Bien que cette crise d’adaptation soit terminée depuis longtemps, la Confédération investit toujours 11 millions de francs par an dans la promotion de l’innovation touristique. Dans le cadre de la NPR, la Confédération soutient surtout les projets dans les régions de montagne, dans les zones rurales ainsi que dans les régions frontalières. Ces projets sont financés par le Fonds de développement régional. Fin 2023, ce dernier était si alimenté (1,1 milliard de francs) que l’on peut se demander si la constitution du fonds n’aurait pas dû être suspendue depuis longtemps. Cela permettrait tout de même à la Confédération d’économiser 30 millions de francs par an.

A partir de ce fonds, des subventions et des prêts d’environ 50 millions de francs chacun sont réservés chaque année pour des projets de la NPR. On attribue souvent un grand effet de levier à ces contributions. On dit que chaque franc de la NPR investi par la Confédération permet de mobiliser environ quatre francs supplémentaires pour le développement économique régional. Comme le cofinancement des projets est souvent imposé, il n’est pas possible de savoir si les fonds de la NPR sont utilisés de manière efficiente et efficace.

Les effets d’aubaine sont plus déterminants pour vérifier si les subventions s’accompagnent d’effets nuisibles à l’économie. Des projets privés sont-ils financés alors qu’ils auraient été mis en œuvre même sans fonds publics ? Dans une enquête réalisée en 2022, le Contrôle fédéral des finances (CDF) est assez critique sur cette question. Ainsi, selon le CDF, environ 40 % des projets de remontées mécaniques et d’hôtellerie soutenus dans le cadre de la NPR auraient été réalisés même sans subventions publiques. Par le passé, deux francs d’impôts sur cinq sont donc allés directement dans les poches d’acteurs privés, sans que la promotion n’ait initié de projets supplémentaires.

Permettre le changement structurel

Dans le cas du tourisme, les subventions sont souvent justifiées par l’importance de la branche pour la création de valeur et d’emplois au niveau local. Toutefois, on ne se demande presque jamais ce qui se passerait si les subventions venaient à disparaître.

Les entreprises du secteur touristique devraient probablement augmenter légèrement leurs prix ou adapter leur stratégie afin d’amortir les coûts de marketing ou les dépenses d’infrastructure supplémentaires. Les entrepreneurs qui luttent déjà pour survivre devraient éventuellement chercher une autre activité. Ils créent alors de la valeur ajoutée sur le nouveau lieu. Les milieux politiques ne devraient pas freiner ce changement structurel dans les régions, de même qu’ils ne devraient pas soutenir les entreprises sidérurgiques ou les producteurs de verre qui sont en difficulté.

Comme de nombreux autres domaines soutenus, la promotion économique souffre de la multiplication des instruments d’encouragement au fil des ans et de la prolongation sans délai de diverses mesures initialement temporaires. On analyse bien trop rarement si les subventions accordées sont judicieuses à long terme et quelle est l’ampleur des effets d’aubaine. Si la promotion économique se limitait en premier lieu à l’amélioration des conditions générales, cela profiterait non seulement aux finances fédérales, mais aussi à l’intérêt général.

Potentiel d’économies dans les finances fédérales : environ 100 millions de francs par an

 

Développement régional : jusqu’à 30 millions de francs par an

Tourisme : jusqu’à 70 millions de francs par an

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[1] Par ailleurs, la (para)hôtellerie bénéficie depuis 1996 d’un taux de TVA réduite de 3,7 %. Le Conseil fédéral estime cet avantage à environ 180 millions de francs par an.
[2] A titre de comparaison, la contribution fédérale à l'organisation chargée de la promotion nationale s'élève à 40,5 millions en Allemagne et à 30 millions en Autriche.