Ce ne sont pas seulement les cantons, avec leurs banques cantonales, qui sont impliqués dans les marchés financiers. Avec l’octroi d’une licence bancaire à PostFinance – une filiale entièrement détenue par la Poste Suisse – la Confédération est-elle aussi devenue propriétaire d’une banque. Cependant, contrairement à la majorité des banques cantonales, PostFinance doit renoncer à la garantie de l’Etat depuis fin août 2017. Celle-ci prévoyait une responsabilité subsidiaire complète de la Confédération, dans le cas où les fonds de PostFinance ne permettaient plus de couvrir ses engagements. La garantie d’Etat constituait ainsi une protection supplémentaire des dépôts et avait pour effet de garantir l’existence de PostFinance. L’abolition de cette garantie est une conséquence de la révision totale de la législation sur la Poste, entrée en vigueur à l’automne 2012 et qui a, entre autres, conduit à la transformation de PostFinance en société anonyme.
Un pas dans la bonne direction…
L’abolition de la garantie d’Etat constitue un pas en avant d’un point de vue réglementaire, car la garantie d’Etat peut s’accompagner d’une lourde responsabilité pour l’Etat et ses contribuables. La crise immobilière des années 1990 en a été la triste illustration, lorsqu’un certain nombre de banques cantonales ont frôlé un désastre financier, n’étant plus en mesure d’éviter des millions et milliards de dégâts et ont dû compter alors sur la main salvatrice de l’Etat. Nous pouvons rappeler trois exemples : à l’époque, les cantons de Soleure et d’Appenzell Rhodes-Extérieures ont dû vendre leurs banques cantonales, avec des pertes de 360 et 250 millions de francs respectivement – elles n’existent plus aujourd’hui. Le canton de Berne a vu la facture du sauvetage de sa banque cantonale (BEKB) s’élever à 2,6 milliards de francs, et cette débâcle est l’une des raisons de la situation financière précaire du canton encore aujourd’hui.
Toutefois, les garanties d’Etat sont aussi controversées pour d’autres raisons. L’une des critiques avancées est le fait que les banques disposant d’une garantie étatique bénéficient d’un avantage concurrentiel par rapport aux institutions financières privées, par exemple, en raison de meilleures conditions de refinancement. C’est entre autres la raison pour laquelle les garanties d’Etat sont qualifiées de subventions illicites au sein de l’UE. Le maintien de garanties d’Etat constitue ainsi l’une des principales raisons de l’impossibilité pour la Suisse de conclure des accords de services financiers avec l’UE et d’autres pays européens.
… mais ce n’est que la moitié du chemin
Avec l’abolition de la garantie d’Etat pour PostFinance, la Confédération a fait un pas dans la bonne direction. Cependant, un dilemme fondamental subsiste : en 2015, PostFinance a été qualifiée par la Banque nationale suisse (BNS) de banque d’importance systémique, ce qui fait qu’elle tombe sous la réglementation du «too big to fail». Elle devra donc remplir des exigences plus sévères en matière de fonds propres et de liquidités. L’objectif est de garantir qu’en cas d’insolvabilité, elle ne doive plus être sauvée par l’Etat. Mais, étant donné que PostFinance appartient toujours à l’Etat, même sous le régime du «too big to fail», ça sera toujours le contribuable, et non un actionnaire privé, qui devra supporter les coûts d’un sauvetage d’urgence. Dans les faits, il existe ainsi toujours une garantie d’Etat pour PostFinance, même si celle-ci n’est plus explicite, mais implicite.
Ce dilemme pourrait être résolu par une privatisation de PostFinance. Avec cela, on ferait d’une pierre deux coups : PostFinance a actuellement l’interdiction d’octroyer des prêts et des crédits hypothécaires, ce qui limite considérablement son secteur d’activité. Couplée à l’introduction de taux d’intérêts négatifs par la BNS en 2014, cette situation a entraîné une baisse considérable des rendements et de la valeur de PostFinance. Il n’est donc pas surprenant que PostFinance tente de contourner l’interdiction de crédits, en accordant par exemple des prêts sur les marchés monétaires et des capitaux au lieu de crédits. Ainsi, PostFinance investit massivement dans des obligations émises par des collectivités publiques (cantons et communes) ainsi que par des entreprises privées et publiques. La privatisation de PostFinance – c’est-à-dire la vente de la majorité des actions de la Confédération –pourrait non seulement atténuer le problème d’une garantie implicite de l’Etat, mais permettrait également à PostFinance de jouir de l’indépendance politique et de la flexibilité entrepreneuriale dont elle a besoin pour s’affirmer sur le marché.
Vous trouverez des informations supplémentaires sur le thème de la privatisation dans l’avenir débat «Le mythe de la poule aux œufs d’or».