Pour beaucoup d’hommes et femmes politiques, la consommation de tabac, d’alcool, de sucre, de sel et de produits transformés est une épine dans le pied. Certains militent pour l’augmentation du prix de ces «produits-péché» avec des taxes, quand d’autres voudraient restreindre leur vente. Il existe déjà en Suisse de telles taxes sur le tabac ou l’alcool, et régulièrement, des interventions parlementaires sont lancées pour introduire des taxes similaires sur la consommation de sucre, de produits alcoolisés et transformés. En 2022, 1,4 milliard de francs au total ont été alloués à la prévention de maladies chroniques, soit 2 % des dépenses de santé. Néanmoins l’Etat agit ici de manière contradictoire : d’une part, il dépense de l’argent pour la prévention, avec l’objectif de réduire la consommation de produits malsains, et d’autre part, il subventionne la production et la vente de ces même produits à hauteur de centaines de millions de francs.

Subventions pour la «Triade du plaisir»

Ainsi, la Confédération subventionne la production d’alcool pour les vignobles en pente à hauteur de 12 millions de francs par an (2022), et de 4 millions par an pour la promotion des vins suisses. Mais ce n’est pas tout : paroxysme d’une politique clientéliste, la Confédération a accepté en 2019 de rembourser aux viticulteurs 50 % des coûts d’un nouveau programme de promotion des ventes, en plus des mesures mentionnées. La justification avancée était qu’au cours des deux années précédentes, la production de vin avait été particulièrement élevée, alors que la consommation était en baisse. Alors que cette aide était au départ exceptionnelle, le Conseil des Etats l’a prolongée à hauteur de 9 millions de francs par an jusqu’en 2027. C’est un peu comme si Swiss demandait une aide pour une campagne publicitaire destinée à compenser une éventuelle baisse du nombre de passagers en réaction au mouvement pour le climat.

Pour le tabac, c’est le serpent qui se mord la queue. D’après l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), sa production en Suisse est subventionnée à hauteur de 13 millions de francs par an, financée par une taxe sur la vente de produits du tabac. Celui qui fume paie donc de sa propre poche une subvention destinée à faire baisser le prix du tabac suisse.

Là où la Confédération gaspille de l’argent. (Ernie Ernst, Avenir Suisse, AI)

De même pour le sucre : depuis 2019, sa production est subventionnée annuellement à hauteur de 2100 francs par hectare, ce qui est sans équivalent par mètre carré avec d’autres types de plantation en Suisse. C’est deux fois plus que pour d’autres produits particulièrement bien dotés, comme le soja. La betterave sucrière l’était à hauteur de 33 millions de francs en 2022. Pour les filières biologiques, le Parlement a même décidé d’augmenter cette aide à 200 francs supplémentaires par hectare et par an. Fin 2023, une commission du Conseil des Etats déclarait vouloir prolonger ce soutien «temporaire» au-delà de l’année 2026 initialement prévue.

Au total, les subventions allouées à la production et la promotion de produits dont la consommation est censée être réduite par des campagnes de prévention, s’élèvent à un total de 71 millions de francs par an.

Plus de cohérence de la politique

Les paiements directs, tels que ceux pour les vignobles en pente, sont certes versés pour l’entretien du paysage et ne subventionnent qu’indirectement la consommation de «produits malsains». Ce qui interpelle, ce sont surtout les mesures pour la promotion de leur vente. N’est-il pas contradictoire de la part de la classe politique de vouloir à la fois faire la promotion des vins suisses et en même temps d’inciter à consommer moins d’alcool ?

C’est comme si la main gauche, l’OFSP, prônait l’abstinence, tandis que la main droite, l’Office fédéral de l’agriculture, encourageait la consommation du fruit défendu.

Plutôt que d’introduire de nouvelles taxes et réglementations, la Confédération serait mieux inspirée d’arrêter le subventionnement de produits malsains. Par exemple, en renonçant à leur promotion. De même, il faut arrêter le subventionnement des cultures de tabac. La Confédération va en effet à l’encontre de ses objectifs de prévention lorsqu’elle réduit artificiellement les coûts de productions de tels biens. D’un côté, elle s’engage à respecter les objectifs de réduction de la teneur en sucre dans les céréales et yogourts fixés par la Déclaration de Milan. De l’autre, elle subventionne la production de sucre à hauteur de 33 millions de francs par an. Il faut balayer ces contradictions, non seulement pour ne plus gaspiller de l’argent public, il en va aussi de la crédibilité de la classe politique.

Potentiel d’économies dans les finances fédérales : environ 60 millions de francs par an

 

Suppression de la promotion des «produits malsains» : environ 13 millions de francs en 2022

Suppression de l’aide à la production de tabac en Suisse : 13 millions de francs en 2022

Suppression des dépenses contradictoires dans la prévention et la production du sucre : 33 millions de francs

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