La modestie, qui a longtemps été la marque de fabrique de la Suisse, n’est pas arrivée par hasard. Les petits pays ne se donnent de toute façon pas, la plupart du temps, des allures de grande puissance ou on leur fait rapidement renoncer à ce penchant. En outre, la Suisse a longtemps été un pays pauvre, sans minerais, pétrole ni colonies. Une arrogance n’aurait pas vraiment pu se développer. Une modeste prospérité était cependant possible, mais au prix d’un lourd travail. L’ «être» a par conséquent longtemps été plus important pour les Suisses que le «paraître». L’ostentation de la richesse était réprouvée.
Une telle modestie, réelle et vécue, a de nombreux avantages. Elle évite le gaspillage, elle confère de la crédibilité, suscite la confiance et mène de temps en temps à être sous-estimé; c’est rarement un inconvénient. En outre, la modestie contribue nettement à la cohésion de la société.
Il existe donc beaucoup de raisons pour se rappeler à nouveau la vertu de la vraie modestie. On ne doit en aucune façon l’oublier: presque tout ce qui réussit n’est pratiquement jamais dû au mérite d’un seul homme. D’une part, le hasard joue un rôle. De l’autre, chaque individu s’insère dans un cadre social, professionnel et privé, sans lequel sa performance ne serait guère possible. Dans le célèbre poème de Bertolt Brecht «Questions que pose un ouvrier qui lit», on le comprend clairement: «César vainquit les Gaulois – N’avait-il pas à ses côtés au moins un cuisinier?». Les Césars modernes de l’économie ont tendance à oublier ces liens de temps en temps.