Diplomatie, humilité, consensus et travail silencieux à l’arrière-plan – telles ne sont pas les vertus d’Iris von Roten. Cette femme résolue parle fort lorsqu’elle a quelque chose à dire, et cela arrive souvent. Ses propos mordants sont aussi connus que redoutés. Non seulement lorsque cette docteure en droit et avocate exerce sa profession de journaliste au ‘Schweizer Frauenblatt’ mais aussi dans sa sphère privée. Ses hôtes doivent toujours se demander si les voisins qu’ils placent à côté d’elle à table seront à la hauteur.
A la fin des années 1950, le cœur d’Iris von Roten est plein de colère. Parce que les hommes de son temps privent les femmes du bien le plus important à ses yeux: l’autodétermination. Dans sa vie privée, elle s’est certes rapprochée d’assez près de son idéal. Née Iris Meyer dans une famille bourgeoise de Bâle, elle fait des études à l’université de Berne. Elle y trouve en Peter von Roten un époux qui la soutient dans sa lutte pour les droits des femmes – et qui de ce fait perd sa fonction de Conseiller national du parti catholique conservateur. Ils forment un beau couple. Iris von Roten fait sans cesse garder leur enfant par des tiers, car elle ressent la maternité comme un fardeau. Elle se fait délier dans le contrat de mariage de l’obligation de faire le ménage, les raccommodages et la cuisine de tous les jours. Elle voyage beaucoup et vit une vie libre.
Mais la «maudite domination masculine» nourrit sa rancune. En 1958, Iris von Roten publie l’ouvrage «Frauen im Laufgitter» (Femmes dans le parc à bébé). C’est un règlement de comptes sans compromis avec une société dont le droit défavorise massivement les femmes. Le style radical de l’ouvrage en fait un pamphlet d’esprit très peu helvétique. Il est mal accueilli tant par les femmes que par les hommes. Les réactions sont empreintes de railleries et de rejet. Et les organisations féministes la méprisent parce qu’elles la rendent en partie responsable du rejet en 1959 du droit de vote des femmes. Iris von Roten est une combattante solitaire.
Elle supporte mal le rejet. Elle se détourne de la thématique féministe et se met à voyager pour écrire des reportages. Elle veut vivre indépendante et c’est elle qui détermine aussi le moment de sa mort en mettant elle-même fin à sa vie après de nombreuses maladies. Aujourd’hui, beaucoup des exigences exprimées par Iris von Roten dans son ouvrage vont de soi: le droit de vote pour les femmes, l’égalité dans le mariage, l’assurance maternité. Mais l’heure n’était pas mûre à son époque pour une femme comme elle.
L’ensemble des portraits des pionnières de la Suisse moderne fera l’objet d’une publication dans un livre qui paraîtra à l’automne 2014, édité par Avenir Suisse, les Editions Slatkine et Le Temps. A précommander ici