L’industrie pharmaceutique occupe une place prépondérante dans l’économie suisse. À elle seule, elle génère 50 % de nos exportations. Si la pharma est importante pour la Suisse, l’inverse ne s’applique pas automatiquement. A l’échelle mondiale, le marché suisse, avec ses neuf millions d’habitants, ne représente même pas 1 % des ventes globales de médicaments. La Suisse et la pharma, c’est un peu comme David et Goliath.
Comprendre ce contraste est très important. Quand une entreprise décide de lancer un nouveau médicament dans le monde, elle va se concentrer sur les grands marchés, comme les Etats-Unis ou l’Union européenne. Toutefois, si la charge administrative pour entrer sur le marché est raisonnable, et surtout, si le prix est concurrentiel, la Suisse peut aussi faire partie des premiers pays à bénéficier des innovations.
Si un prix d’entrée attractif sur le marché suisse envoie un signal fort et nécessaire envers l’industrie pharmaceutique, on ne peut pas payer n’importe quel montant non plus. Mais quel est «le juste prix» d’un médicament qui pourrait sauver des vies ?
En Suisse, il nous manque une définition du «prix» d’une vie. Sans consensus sur cette valeur, se plaindre qu’un médicament est trop cher, ou trop bon marché, selon le côté duquel on se trouve à la table des négociations, est une discussion stérile. La société et le monde politique doivent mener ce débat sur la valeur d’une vie.
Mais ce n’est pas tout. Même si on trouve un accord, cela ne veut pas dire que l’entier de la valeur d’une vie sauvée doit revenir à l’industrie pharmaceutique. Lors d’un accident de la route, quand on appelle l’ambulance, on ne nous facture pas des milliers de francs la minute non plus. Et pourtant, sans les services de secours, la personne blessée ne pourrait être sauvée. Là aussi, il faut un débat public sur la répartition de la valeur ajoutée d’un médicament entre la société d’une part et la pharma de l’autre. Un bon compromis suisse serait un partage «moitié-moitié», par exemple.
Enfin, même si le prix d’un médicament à l’unité reflète sa valeur ajoutée, son coût total pour la société peut devenir problématique si ce médicament doit être administré à plusieurs milliers de patients par an. Cela pourrait être le cas par exemple pour soigner une maladie largement répandue comme le diabète ou Alzheimer. Dans ce cas, il faut prévoir un mécanisme de remboursement dynamique des médicaments innovants en fonction du chiffre d’affaires. Plus ce dernier est conséquent, plus les frais de recherche et développement auront pu être amortis et plus des économies d’échelle peuvent être réalisées. Alors, et alors seulement, une part du chiffre d’affaires devrait progressivement être restituée tout en maintenant une marge raisonnable pour son producteur. Il s’agit donc de réduire le prix implicite, mais a posteriori, quand le chiffre d’affaires effectivement réalisé représente une charge conséquente pour les primes d’assurance-maladie.
Ainsi, en proposant un mécanisme de prix à la fois dynamique et tenant compte de la valeur ajoutée du médicament pour notre société, on garantit de façon intelligente un meilleur accès pour nos patients à des médicaments innovants, on permet à la Suisse de rester un marché attractif pour l’industrie pharmaceutique en comparaison internationale et on atténue enfin l’impact sur les primes d’assurance-maladie.
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