Les fusions de communes ne sont pas une fin en soi. Pourquoi devrait-on réaliser des fusions et où serait le point d’arrivée souhaitable de ces fusions ? Il n’est pas possible de le dire avec précision, du moins pour le second point – pas même à l’aide de moyens scientifiques. Ce que l’on peut en revanche dire est que: selon l’idéal libéral, les décisions de l’Etat devraient autant que possible être décentralisées, c’est-à-dire être prises à proximité des citoyens concernés. Plus les communes sont petites, plus leurs capacités de remplir des tâches de façon autonome sont limitées. Elles doivent les transférer dans le cadre de la coopération intercommunale (CI), ce qui implique souvent un déficit démocratique et une perte de la compétence fiscale. Si les communes n’ont pas constamment la taille nécessaire pour accomplir leurs tâches de manière appropriée, ces dernières finiront tôt ou tard par être centralisées au niveau du canton. Par conséquent, les communes modèles sont celles qui parviennent à remplir la majorité des tâches communales classiques (école primaire, aide sociale, EMS, approvisionnement en eau et épuration, électricité, routes communales, pompiers) de façon autonome et qui ne font appel à la CI que pour quelques tâches. Cet objectif pourrait être atteint dans une Suisse comptant entre 800 et 1000 communes. Le nombre d’habitants moyen par commune s’élèverait ainsi à 9000, la commune moyenne (médiane) compterait environ 5000 habitants. Même à ce moment-là, les communes suisses resteraient encore très petites en comparaison internationale – et cela, principalement au vu de l’autonomie qui leur est accordée.
Nous sommes cependant encore bien loin de tels chiffres, bien que certains progrès aient été réalisés au cours des 16 dernières années. En 2000, la Suisse comptait 2899 communes – seulement 300 de moins que lors de la création de l’Etat fédéral il y a plus de 150 ans. En 2012, lorsqu’Avenir Suisse a publié son Monitoring des cantons au sujet de la structure des communes des cantons, il y en avait encore 2495. La plus forte réduction (relative) jusqu’à maintenant a été réalisée par le canton de Glaris avec sa restructuration top-down en 2011. Les cantons du Tessin et de Fribourg ont ensuite suivi. La plus petite structure était observable dans le canton des Grisons en 2012, où la moitié des communes hébergeait moins de 400 habitants.
Depuis lors, le processus de restructuration s’est poursuivi. Actuellement (état: février 2016), la Suisse compte encore 2294 communes, ce qui veut dire 201 de moins qu’il y a encore quatre ans. Durant cette période, c’est le canton des Grisons qui a clairement comptabilisé la plupart des fusions. Le nombre des communes s’est réduit de 176 à 114, tandis que la moitié d’entre elles compte toujours plus de 909 habitants. A travers cela, les cantons du Jura, de Vaud, d’Uri et de Schaffhouse se situent derrières les Grisons. Ce progrès est principalement à attribuer à des fusions conséquentes au sein des vallées, qui forment déjà des espaces fonctionnels typiques pour des raisons topographiques. La plus grande commune en termes de superficie (439 km2) a été constituée en 2015 à travers le rattachement de Ardez, Ftan, Guarda, Sent et Tarasp à Scuol en Basse-Engadine (avec seulement 4700 habitants actuellement). Au cours des dernières années, de nombreuses fusions de communes ont eu lieu dans le canton de Berne. Depuis 2012, leur nombre a pu être réduit de 30. Vu de manière relative, la baisse de 382 à 352 communes apparaît comme plutôt modeste.
Pourtant, rien ne change sans le soutien administratif et financier des cantons : tous les cantons qui ont réalisé des fusions de communes ont créé des incitations financières explicites. Dans les cantons sans de telles incitations, aucune fusion n’a eu lieu jusqu’à maintenant. Dans le cas du canton de Fribourg, l’influence du canton est entre autres particulièrement visible : après trois décennies comptant environ une fusion en moyenne par an, le canton structuré politiquement en entités extrêmement petites a fait entrer en vigueur un décret en 2000, qui octroie aux communes qui fusionnent un soutien financier. Dans les années qui ont suivi, le nombre de communes est rapidement passé de 242 à 168. Depuis l’abrogation du décret, il ne s’est pas passé grand-chose. Depuis 2012, une nouvelle loi de fusion est en vigueur, qui déploie à nouveau ses effets (avec un peu de retard): en 2017, les 300’000 habitants vont se répartir entre 136 communes.
Le fait que de tels coups de pouce financiers soient nécessaires provient de différentes incitations négatives, qui plaident contre les fusions de communes :
- De nettes disparités en matière de ressources financières empêchent les fusions, car une commune plus forte n’a pas d’incitation à en accueillir une plus faible, même si la fusion serait profitable dans l’ensemble.
- A travers la fusion de x communes, x-1 présidents de commune se voient confisquer leur propre travail. Tant que ceux-ci n’ont pas été contraints d’être élus à ce poste (ce qui reste l’exception, malgré le manque important de personnel de milice), l’intérêt devrait rester limité.
- Une péréquation financière trop étendue ou mal construite peut également représenter un obstacle aux fusions.
Grâce à des mesures favorisant les fusions, les cantons n’empiètent pas de manière exagérée sur l’autonomie des communes, mais corrigent les distorsions existantes.