Le déclencheur de la carrière d’Emma Stämpfli-Studer est un coup du destin: si son mari Karl Stämpfli, Conseiller national et propriétaire de l’imprimerie Stämpfli, n’était pas décédé prématurément, c’est lui qui serait probablement considéré comme pionnier de la prévoyance professionnelle et du système suisse des crèches. La direction de l’imprimerie de livres bernoise Stämpfli + Cie aurait été comme prévu transmise à deux des fils. Emma Stämpfli aurait de toute façon eu plus qu’assez à faire avec l’éducation de ses six enfants, des deux orphelins adoptés et avec ses engagements d’utilité publique.
Mais, dès le décès de son époux en 1894, Emma Stämpfli-Studer poursuit avec «audace, clairvoyance et un talent pour l’organisation», pour reprendre des termes cités à son propos dans une nécrologie, le développement de l’entreprise familiale traditionnelle jusqu’à ce que ses fils soient assez mûrs pour prendre sa succession. La société Stämpfli SA est encore de nos jours une entreprise familiale.
En tant que patronne de plus de 100 collaborateurs, elle connaît les difficultés des travailleurs et travailleuses. Il n’y a pas encore à l’époque d’assurances qui atténuaient les conséquences financières de la détresse sociale ou de la maladie. En 1895, elle crée l’une des premières caisses professionnelles maladie, invalidité et décès. Elle attache une importance particulière au bien-être et à l’éducation des enfants de travailleurs, livrés à eux-mêmes toute la journée. Pour le financement de la crèche de la Länggasse à Berne, qu’elle avait fondée avec son mari du vivant de celui-ci, elle récolte des fonds auprès de donateurs privés, d’entreprises et de l’Eglise. La cheffe d’entreprise active devient une experte très demandée pour tout ce qui concerne les crèches en Suisse, de même qu’en Allemagne. En 1907, elle fonde et préside la «Schweizerischer Zentralkrippenverein», prédécesseur de l’actuelle Fédération suisse pour l’accueil de jour de l’enfant.
La plupart des préjugés exprimés à l’époque sur les crèches sont encore actuels. Emma Stämpfli-Studer se défend toute sa vie contre le reproche selon lequel les crèches sont principalement destinées au confort des femmes. Elle a reconnu rapidement la nécessité d’une offre de garde d’enfants extérieure à la famille – et aussi l’utilité pour la société que les enfants confiés soient bien suivis et encouragés. Elle attache une grande importance à une alimentation saine, à l’hygiène et à l’ordre. Pour les enfants des crèches suisses d’aujourd’hui, tout cela va de soi.
Tout ceci a presque fait oublier qu’Emma Stämpfli-Studer était aussi une poétesse, s’exprimant en dialecte. On ne connaît plus aujourd’hui son «Petit livre de cuisine pour temps difficiles au quatrième hiver de la guerre en 1917». Mais ils restent des témoins de l’époque de la courageuse pionnière.
L’ensemble des portraits des pionnières de la Suisse moderne feront l’objet d’une publication dans un livre qui paraîtra à l’automne 2014, édité par Avenir Suisse et Le Temps. A précommander ici