Dans le dernier Mission Impossible, Tom Cruise sauve le monde à bord d’une voiture autonome. Dans la vraie vie, cela n’est pas encore tout à fait possible. Toutefois, dès le 1er mars 2025, une révision de la loi entre en vigueur en Suisse, autorisant pour la première fois la conduite automatisée. Jusqu’à présent, le conducteur devait tenir le volant à deux mains à tout moment. Désormais, il pourra le lâcher lorsque le système de pilotage autoroutier sera activé. Ce qui est salué par le public comme une percée technologique pourrait toutefois s’avérer être un leurre pour les automobilistes.
Induit en erreur
En effet, si l’on lit attentivement la loi et le règlement, on constate que le conducteur reste entièrement responsable du contrôle de la voiture, même s’il est autorisé à retirer les mains du volant. Le législateur n’a pas prévu de transmettre la responsabilité au fabricant de la voiture ou au système de pilotage automatique. La révision induit le conducteur en erreur : la loi permet au conducteur de lâcher son volant pour consacrer son attention à autre chose, mais seulement s’il reste attentif à ce qui se passe sur la route et qu’il peut intervenir à tout moment.
C’est contradictoire : personne ne peut être à la fois attentif et inattentif. Et c’est justement le problème que pose la nouvelle législation : si, selon la loi, une personne doit faire quelque chose, elle doit pouvoir le faire de facto.
Nombreux sont ceux qui ne sont pas conscients de cette contradiction et qui rêvent d’une grande percée de la conduite automatisée en raison de la nouvelle réglementation. Le Conseil fédéral semble avoir constaté (trop) tard dans le processus législatif la contradiction entre la loi et l’ordonnance. Fin 2024, dans les explications de l’ordonnance, il a fortement limité les activités annexes autorisées lors de la conduite automatisée. Si le conducteur doit garder un œil sur la route, il peut de facto tout au plus poser les mains sur les genoux ou se gratter rapidement le nez.
Il en résulte un dilemme : soit, en tant que conducteur, je renonce (presque complètement) aux avantages de la conduite automatisée, soit je suis la loi qui m’incite à faire d’autres activités au volant, mais je serai ensuite puni pour mon inattention en cas d’accident, si je ne peux pas intervenir assez rapidement en cas d’urgence.

Le conducteur ne devrait être libéré de sa responsabilité que lorsque la technologie ne dépendra plus de lui. (Adobe Stock)
Plus de risque sur la route
Ce dilemme ne nuit pas uniquement à la sécurité juridique. Prendre la route présentera plus de risques. Le Conseil fédéral estime que l’objectif principal de l’introduction de la conduite automatisée est d’améliorer la sécurité routière, car de nombreux accidents de la route sont dus à l’erreur humaine. Or, aujourd’hui, la technologie n’est tout simplement pas encore à la hauteur. De ce fait, l’objectif du Conseil fédéral est compromis, car le risque de sécurité est transféré du véhicule automatisé au conducteur en raison de la contradiction juridique. Les usagers de la route deviennent ainsi les cobayes d’une législation mal réfléchie.
La volonté d’éliminer les incertitudes liées à la conduite automatisée par le biais de la nouvelle loi crée dans ce cas un faux sentiment de sécurité juridique. Le conducteur ne devrait être libéré de sa responsabilité que lorsque la technologie ne dépendra plus de lui. En raison de l’évolution rapide de la technologie, il convient de réfléchir dès maintenant à une responsabilité pénale du constructeur pour la conduite automatisée.
Et sauver le monde depuis une voiture automatisée ? Cela reste pour l’instant de la fiction hollywoodienne. Ceux qui veulent tout de même tenter l’expérience ne devraient pas le faire en conduisant et garder les mains sur le volant – la conduite automatisée sans dilemme de responsabilité est, encore aujourd’hui, mission impossible.
Cet article a été publié le 26 février 2025 dans la NZZ (en allemand)