L’administration publique et la bureaucratie : qui aurait cru que ces thèmes susciteraient un jour de vives émotions ? Bien sûr, récemment, l’attention a plus à voir avec les métaphores brutales qu’avec le contenu. La tronçonneuse de Javier Milei et d’Elon Musk a beaucoup fait parler d’elle. Le fait que, dans leur sillage, même l’UE ait pris ses premières mesures pour réduire la bureaucratie, est passé quelque peu inaperçu, mais cette situation est presque encore plus importante pour la Suisse.
Chez nos voisins, le zèle réglementaire a pris une ampleur étonnante au cours des dernières années. Chez nous, on est parfois restés bouche bée. Le coup de publicité le plus efficace en matière de réglementation a sans doute été le nouveau bouchon sur les bouteilles PET. Oui, les réglementations ont un impact sur notre quotidien, mais les effets ne sont pas toujours aussi mis en évidence.
Pour beaucoup, les réglementations de l’UE dans le domaine des rapports sur le développement durable étaient beaucoup moins visibles, mais elles ont largement dépassé leurs objectifs. Ainsi, même les PME auraient bientôt dû collecter et rapporter chaque année des centaines de points de données. La Commission européenne estimait que cela faisait trop. Elle a donc récemment décidé d’alléger la bureaucratie en adoptant le paquet Omnibus. Ce paquet prévoit notamment la mise en place d’un système d’échange d’informations entre les Etats membres.
Le paquet Omnibus n’a pas encore été adopté. Toutefois, une chose est déjà claire : des deux côtés de l’Atlantique, on s’est rendu compte que la réglementation et la bureaucratie ont pris trop d’ampleur ces dernières décennies. Ce message n’a pas encore trouvé d’écho en Suisse. Et ce, bien qu’ici aussi, l’évolution soit préoccupante.
Le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) a ainsi calculé les coûts de la bureaucratie pour les PME suisses. Le chiffre est impressionnant : les coûts s’élèvent désormais à plus de six milliards de francs par an , soit plus que ce que notre pays dépense actuellement pour la défense nationale. Parallèlement à la densité réglementaire croissante, le secteur public s’est aussi développé, et ce de manière disproportionnée par rapport au secteur privé. Dans plusieurs villes suisses, l’administration publique croît nettement plus vite que sa population : à Bâle, Berne et Zurich, le nombre de postes a partout augmenté de plus de 20 % depuis 2011.
Cette croissance disproportionnée du nombre de postes dans l’administration indique que ces structures ne sont pas adaptées aux changements sociaux et technologiques. Dans la ville de Zurich, cela a même été relevé il y a quelques années par un examen commandé en interne. Le rapport mentionnait un «manque de clarté, des doublons et des inefficacités». Malgré cela, la politique de la ville ne s’est pas vraiment montrée disposée à s’attaquer aux problèmes. Faudra-t-il quand même prendre une tronçonneuse ?
Non, ce n’est pas en procédant à des changements hâtifs que l’on peut contribuer au bon fonctionnement de l’Etat suisse. Toutefois, il ne sert à rien de jubiler autour de l’agitation, parfois exagérée, qui règne à l’étranger. Nous avons aussi un problème en Suisse. La bureaucratie est devenue très coûteuse et l’administration croît de manière démesurée. Dans ces deux domaines, les politiciens conscients de leur devoir doivent donc s’atteler à la tâche fastidieuse de faire le ménage.
Pour aider les politiques dans cette tâche ingrate, l’idée d’un frein au personnel du secteur public a récemment été évoquée. Une autre solution serait d’organiser une semaine de «nettoyage». A l’instar d’un nettoyage de printemps, le Parlement consacrerait une semaine chaque année exclusivement au désencombrement des structures obsolètes, c’est-à-dire à la réduction de la bureaucratie et à la réorganisation administrative. Ce travail serait idéalement préparé par une commission parlementaire combinée à une participation citoyenne : toute personne pourrait partager ses idées à travers un formulaire en ligne.
Un tel nettoyage de printemps s’inscrirait dans la démarche traditionnellement pragmatique de la Suisse. A l’étranger, il y a une centaine d’années, on disait : «Avec un marteau, une faucille et un fusil : instaurons le communisme». En Suisse, la réponse s’est traduite par une meilleure protection sociale, ancrée dans des institutions comme l’AVS. Aujourd’hui, à l’étranger, on réclame à la tronçonneuse une réduction radicale de l’Etat. Une fois de plus, la Suisse ferait bien de miser sur une approche institutionnelle prudente. Une semaine de «nettoyage» serait une solution s’inscrivant dans la tradition suisse. Couplée à une participation des citoyens, elle comporterait même un élément de démocratie directe.
Cet article est a été publié dans NZZ am Sonntag le 23 mars 2025 (en allemand).