Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, la résilience de notre système de santé est au centre des préoccupations. Il faut tenir compte non seulement des infrastructures pertinentes, telles que les lits de soins intensifs ou les respirateurs, mais aussi de la disponibilité et du niveau de qualification des professionnels de la santé. La Suisse aurait-elle aussi bien surmonté la première vague de Covid-19 sans les employés des pays de l’UE/Aele ? Sûrement pas. 19% de tous les emplois dans le domaine de la santé sont occupés par les citoyens de l’UE/Aele, dont 4% par des travailleurs frontaliers (tous les chiffres sont de 2017 et proviennent de l’OFS). Plus de 70% des nouveaux médecins viennent de l’étranger, la grande majorité ayant obtenu leur diplôme dans les pays voisins de la Suisse.
Ce n’est pas seulement dans le domaine de la santé, mais aussi dans de nombreux autres– définis comme essentiels pendant la crise – que la main-d’œuvre de l’UE/Aele joue un rôle primordial pour garantir la sécurité de l’approvisionnement. Par exemple dans l’industrie : les ressortissants de l’UE/Aele représentent plus d’un quart (26%) de tous les emplois du secteur secondaire. Or, l’industrie comprend la fabrication de produits pharmaceutiques et la production d’aliments et de boissons. Les ressortissants de l’UE/Aele occupent également 23% de tous les emplois dans le domaine de l’information et de la communication, ce qui inclut les médias. Dans le commerce (de détail), ils représentent 22% de tous les emplois et dans les services postaux, de courrier et d’express, 19%.
Une forte augmentation du nombre de personnes actives occupées provenant de pays de l’UE/Aele dans le domaine de la santé
Par rapport à 2002 – année d’entrée en vigueur de la libre circulation des personnes –, c’est dans la santé que les emplois occupés par les citoyens de l’UE/Aele (y compris les frontaliers) ont de loin le plus augmenté (+68 610 emplois). L’augmentation des emplois occupés par les citoyens de l’UE/Aele a également été conséquente dans des branches importantes pour la gestion de la crise du Covid-19, tels que le commerce (+35 614), l’industrie (+26 040) et l’information et la communication (+23 919).
Si la Suisse mettait fin à la libre circulation des personnes, il serait plus difficile pour les employeurs de la santé de pourvoir leurs postes vacants. Aujourd’hui déjà, plus de 105 000 citoyens de l’UE/Aele travaillent dans le système de santé suisse. La suppression de la libre circulation creuserait donc un fossé pour la prochaine génération de spécialistes. Depuis des années, le système de santé se plaint d’un manque de personnel junior en raison de l’évolution démographique. Cette situation est susceptible de se détériorer à l’avenir. En Suisse, seule la moitié environ du personnel infirmier nécessaire est formée chaque année, et ce dans un contexte de vieillissement rapide de la population et de forte demande en matière de soins.
Le problème serait aggravé par un nouveau système d’immigration de main-d’œuvre en Suisse, qui reste à définir, par exemple le système de quotas actuellement utilisé vis-à-vis des pays tiers. Pour des raisons politiques, le nombre de quotas à allouer risque d’être inférieur au nombre de personnes qui ont jusqu’à présent immigré chaque année. Les obstacles à l’inclusion des travailleurs transfrontaliers sont également susceptibles d’augmenter. Par exemple, la possibilité que les pays voisins puissent empêcher «leurs» frontaliers de se rendre en Suisse pour travailler dans leurs propres hôpitaux a déjà été discutée au printemps 2020. Une éventuelle suppression de la libre circulation des personnes est susceptible d’affecter les relations avec les pays de l’UE. Le risque de contre-mesures est susceptible d’augmenter, notamment en cas de nouvelle crise (pandémique) paneuropéenne.
Pour répondre à la demande de spécialistes, la Suisse devrait soit former elle-même les personnes, ce qui promet d’être long et coûteux, soit conserver unilatéralement plusieurs simplifications actuellement garanties par la libre circulation des personnes, comme la reconnaissance des diplômes. Ceci – contrairement à aujourd’hui – sans obtenir de droits réciproques dans les pays concernés. Sur le plan économique, c’est une mauvaise alternative. En termes de politique, on peut se demander si la Suisse gagnerait réellement en souveraineté et en liberté d’action.
Conclusion
En raison de sa dimension internationale, la crise du Covid-19 aurait été beaucoup plus difficile à gérer sans les professionnels de la santé de l’espace européen. Un nombre supérieur à la moyenne de ressortissants des pays de l’UE/Aele travaillent également dans d’autres branches clés comme l’industrie pharmaceutique ou alimentaire. Une suppression de la libre circulation des personnes réduirait la sécurité de l’approvisionnement en Suisse et porterait atteinte à sa capacité d’exportation.