Migros Magazine : Faire passer la franchise ordinaire de 300 à 500 francs pour freiner l’augmentation des coûts de la santé, une bonne idée selon vous ?
Jérôme Cosandey : Cette mesure cible plutôt les personnes en bonne santé qui se rendraient peut-être de manière trop précipitée chez le médecin. Donc, pour ces gens-là, augmenter la franchise aurait du sens. Responsabiliser les assurés est important. Et comme la franchise actuelle n’a pas été revue depuis longtemps, que les coûts de la santé et les revenus nets augmentent, c’est clairement une piste à étudier.
Cette proposition sous-entend que les assurés seraient des profiteurs. C’est plutôt culpabilisant, non ?
Oui et non. Selon les statistiques internationales, le nombre de consultations en Suisse n’est pas particulièrement haut, nous n’allons pas plus chez le médecin que nos voisins. Mais il y a quand même une catégorie de gens qui estiment avoir droit à une sorte de retour sur investissement : je paie tant de primes, je veux en avoir pour mon argent ! En jouant sur les franchises, je pense que l’on peut atténuer ce phénomène-là.
Une telle mesure ne risquerait-elle pas de pousser de plus en plus de gens à renoncer à se soigner ?
C’est la question-clé. Ça ne me dérange pas qu’il y ait des franchises hautes. Par contre, il faut s’assurer que les gens issus de milieux modestes ne renoncent pas à des soins pour des questions financières. Bon, dans notre pays, environ un quart de la population touche des subsides pour les primes maladie, donc ces personnes-là bénéficient déjà d’un soutien et d’une garantie à l’accès aux soins. Et puis, si la franchise augmente, ce sera au bénéfice de tous puisque les primes baisseront.
Les assurés sont déjà les vaches à lait du système. N’y aurait-il pas d’autres acteurs à tondre d’abord ?
Cette mesure ne va évidemment pas résoudre tous les problèmes. C’est une parmi plusieurs mesures que l’on doit prendre pour limiter les coûts de la santé. Il faut arrêter de montrer du doigt les autres – assurés, médecins, pharmas, hôpitaux, assurances… – et réaliser enfin que tout le monde doit participer à l’effort. Notre système de santé est fiévreux.
Ne serait-il pas urgent de lancer de vraies réformes qui permettraient de mieux maîtriser les coûts ?
Encore une fois, si l’on veut vraiment prendre le problème à la racine, il est nécessaire de considérer plusieurs mesures. Le remède miracle, qui permettrait d’économiser 20% sur les 80 milliards de l’ensemble des coûts de la santé, n’existe pas ! C’est un peu la piste que suit actuellement le Conseil fédéral avec ses trente-huit mesures, dont une dizaine sont traitées prioritairement. Cela montre qu’il faut un effort concerté des différents acteurs et un travail sur différents rouages pour espérer ralentir la croissance des coûts de la santé.
Cet interview est paru dans le Migros Magazine du 26 novembre 2018. Reproduit avec l’aimable autorisation de la rédaction.